Nous, membres d’un collectif de scientifiques et de praticiens de l’énergie fortement engagés dans la transition énergétique et conscients, de par nos activités sur le terrain, de la crise énergétique et écologique majeure qui s’annonce, lançons un appel pressant au pouvoir politique afin que :
Objectifs à atteindre :
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Une cinquantaine de scientifiques et praticiens romands du secteur de l’énergie se sont réunis en collectif dans le but de rédiger et de diffuser ce Manifeste. Si vous souhaitez rejoindre notre collectif et signer notre manifeste, veuillez nous envoyer un message ici
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Dernière mise à jour : 05.04.2015
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Depuis août 2013 et jusqu’à mai 2014, ignorant la prise de conscience citoyenne de la nécessité d’assurer l’avenir énergétique du pays hors des ressources nucléaires et fossiles, le Conseil fédéral a édicté, dans un temps étonnamment court, un paquet de mesures législatives et administratives qui ont toutes pour effet de freiner drastiquement le développement des énergies renouvelables décentralisées.
Afin de mesurer la gravité des conséquences de ces mesures, observons le graphique ci-dessous qui montre la consommation actuelle (2013) d’énergie globale finale de la Suisse comparée au potentiel techniquement réalisable de production d’énergies renouvelables à long terme, 2050 par exemple, et mesurons le chemin à parcourir, tant en réduction des consommations (éradication des gaspillages) que d’augmentation de productions renouvelables.
La réponse est, en grande partie, donnée par l‘Association des entreprises électriques suisses (AES)
Voici ce qu’écrit dans la presse romande, un haut cadre de la production électrique :
… les responsables des grandes entreprises de production hydroélectrique rencontrent de graves difficultés car ils subissent de plein fouet la concurrence des nouvelles énergies renouvelables fortement subventionnées qui provoquent un effondrement des prix sur le marché… (1)
Et dans le rapport annuel 2013 de l’AES, on lit au bas de la page 6 :
… L’étude intitulée « la branche électrique suisse : mise à l’écart du fait d’incitations erronées ? » montre que l’actuelle rétribution à prix coûtant injecté (RPC) engendre des décisions inefficaces en ce qui concerne les investissements dans la production électrique » …
En exploitant les capacités des barrages d’accumulation alpins, les marchands suisses d’électricité font depuis longtemps un commerce très lucratif en achetant de l’énergie excédentaire à bas coût du réseau interconnecté européen et en l’injectant à un prix élevé dans les périodes de forte demande.
Le développement des énergies renouvelables européennes, allemandes essentiellement, et la chute du prix européen du charbon, réduisent les demandes de courant de réglage fournit par les centrales hydroélectriques suisses. De ce fait, les bénéfices ont passé de CHF 2,12 milliards en 2008 à (seulement !) 330 millions en 2013. (2)
L’opération de lobbying d’électriciens influents au sein de l’AES a consisté, dans un premier temps, à obtenir du pouvoir politique une révision des bases légales (loi et ordonnance sur l’énergie) afin que les productions décentralisées des énergies renouvelables (le plus grand potentiel) soient entravées. C’est bien pour cette raison que les mesures que l’on met en place aujourd’hui à Berne concernent essentiellement l’énergie électrique.
On crée les conditions de la pénurie possible (on démontre que les énergies renouvelables seront incapables de compenser l’arrêt des centrales nucléaires) pour justifier la construction de quelques grosses centrales à gaz, ce qui va permettre de rentabiliser les investissements considérables engagés actuellement dans le pompage-turbinage et qui s’avèrent financièrement malheureux en prenant pour bouc émissaire (et paradoxalement) les énergies renouvelables !
Mieux encore, l’AES revendique maintenant la part de la RPC qui ne sera plus affectée aux nouvelles énergies renouvelables pour financer les investissements hasardeux dans la grande hydraulique et dans les centrales à gaz à l’étranger. Cette demande a reçu un accueil favorable (25 août 2014) de la commission de l’énergie du Conseil national (CEATE-N). Si ce projet est finalement adopté, les contributions financières pour les grandes centrales prélevées sur la RPC s’élèveraient à 38 millions par an sur 20 ans, soit 760 millions. (3) En contrepartie, pratiquement tout le potentiel des petits centrales hydrauliques serait sacrifié.
Les conséquences sont évidentes. L’augmentation de la production des énergies renouvelables sera insuffisante en 2050, les centrales nucléaires continueront à fonctionner longtemps et des centrales à gaz seront construites pour remplacer progressivement les centrales nucléaires que l’AES aura décidé d’arrêter.
Le remarquable succès de la RPC (30’000 projets sur la liste d’attente en juillet 2013 !), sera pratiquement stoppé. En même temps, on crée une augmentation indiscutable du risque d’accident nucléaire grave ou, pour le moins, d’incident sérieux, ainsi que l’accroissement des émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre. (10)
Soyons réalistes : une opposition politique classique n’a pratiquement aucune chance de renverser radicalement cette situation, sinon d’obtenir quelques aménagements cosmétiques dans les textes législatifs pour faire croire aux opposants qu’on les a écoutés.
Les entreprises électriques ont, face au pouvoir politique, un argument massif : assurer à long terme l’approvisionnement en électricité du pays. Ils proposent leur solution et les moyens pour y parvenir qui leur conviennent.
Ce lobby lié à l’AES trouve parfois des alliances de circonstance bien venues avec certains milieux de protection de l’environnement lorsqu’ils s’opposent à des projets de centrales solaires, éoliennes ou de petite hydraulique.
Dans ses scénarios 2050, le Conseil fédéral chiffre la consommation globale annuelle du pays (chaleur et électricité) à 565’000 TJ (3,6 TJ = 1,0 GWh) et la production des énergies renouvelables à 349’000 TJ. Autrement dit, la part des énergies fossiles représente encore 216’000 TJ, soit 38 % (!) de la consommation du pays en 2050. (11)
Cet objectif est irresponsable et d’ailleurs irréaliste. L’abandon, à terme, des énergies fossiles n’est pas un choix, c’est une évidence physique (épuisement) et une nécessité vitale (climat).
Pour autant que l’on s’en donne dès maintenant les moyens, cette transition est parfaitement possible. Diverses études l’ont montré. Citons, par exemple, l’analyse détaillée et documentée des divers modes de production d’énergies renouvelables, validée par le réseau des professionnels réunis au sein du comité romand de l’Agence des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (AEE) que l’on peut consulter sur le site de l’ADER (PDF). Le premier graphique illustre la synthèse de cette analyse. (12)
La transition énergétique est un des grands défis de ce 21ème siècle. Elle implique autant la production des énergies renouvelables que la réduction des consommations. Pour l’affronter et l’anticiper, il faut une volonté politique claire et déterminée. Il faut aussi nécessairement intéresser et impliquer concrètement les citoyens dans ce grand défi en encourageant, par exemple, la création de coopératives de production d’énergies renouvelables comme on le fait déjà dans d’autres pays.
La participation citoyenne favorise la sensibilisation à l’énergie : production et consommation. Le Danemark, par exemple, qui encourage et favorise de telles dispositions, pratiquement dépourvu d’hydroélectricité, encore dépendant à 100 % du pétrole et du gaz en 1980, projette une transition énergétique 100 % renouvelable et zéro émissions carbonées, ainsi qu’une réduction de la consommation en 2050 par un facteur 2.
La Suisse, riche d’un exceptionnel potentiel hydroélectrique, s’était bien engagée dans cette perspective. Les mesures législatives et administratives prises par le Conseil fédéral depuis août 2013 lui portent un coup fatal.
De plus, les récentes décisions de la CEATE, avant le débat en plénum des Chambres fédérales sur l’énergie à la session d’hiver 2014 (du 24 novembre au 12 décembre), font naître les pires craintes sur l’avenir énergétique et écologique de la Suisse.
Cette politique énergétique est aussi incompréhensible qu’irresponsable.
Comité du Collectif
Septembre 2014
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Le Manifeste dans la revue IROmagazine (Printemps 2016) – « Au présent tous RESPONSABLE » par Monique Brasey
Pour découvrir ce qu’il se fait dès à présent: « Demain » film de Cyril Dion et Mélanie Laurent sortie fin 2015
Développement durable: le visage de Janus de la Suisse (26 décembre 2015) – René Longet (Signataire)
État des lieux pour la transition énergétique en suisse (novembre 2015)
Communiqué de presse n° 2 (mars 2015) et argumentaire associé
Communiqué de presse n° 1 (novembre 2014)